Sauvegarde du patrimoine culturel et historique
Contexte
La Médina de Tunis souffrait depuis des années d’un problème de précarité de logements insalubres et sur-densifiés, notamment dans sa partie centrale. Les familles originaires de la vieille ville étaient en train de la quitter et des immigrants ruraux à faible revenu trouvaient dans la Médina une structure d’accueil favorable, avec de grandes demeures vides et une typologie de maisons à patio qui se prêtait bien à la location à la pièce. Louer une seule pièce était, en effet, la seule option pour des familles, généralement nombreuses, ayant au maximum un ou deux membres actifs.
Le terme oukala désignait, à l’origine, les pensions louées pour une semaine ou pour quelques jours à des hommes célibataires cherchant du travail en ville. Les oukalas historiques étaient les premiers immeubles de la Médina où des chambres simples étaient louées à des familles entières.
Une étude menée à la fin des années 1980 mit en évidence l’existence de plus de 600 oukalas abritant 3000 ménages (soit environ 15 000 personnes) ce qui constituait une plaie dans le centre historique à cause de l’entassement de cette population dans des conditions inhumaines. En 1990, l’effondrement d’une oukala poussa les autorités à agir, craignant la perte de vies humaines. Une initiative majeure était enfin prise afin de réduire la précarité de cet habitat.
La dégradation générale, la pauvreté et les problèmes sociaux ont entrainé des problèmes de délinquance, de drogue et de criminalité.
Objectifs
L’initiative avait les objectifs suivants :
- Sauvegarder le patrimoine architectural ancien;
- Assurer le rayonnement de la Médina;
- Assurer une bonne cohabitation entre les habitants;
- Sauvegarder le savoir-faire ancestral;
- Encadrer adéquatement les populations fragiles : jeunes, aînés et personnes handicapés;
- Assurer le respect de la dignité humaine.
Mise en œuvre
Maintenue jusqu’au début de l’année 2000, l’initiative était devenue un projet à quatre phases et à composantes multiples : relogement des groupes les plus fragiles dans de nouveaux logements octroyés par la Municipalité, dé-densification et remise aux normes d’habitabilité des logements de la Médina afin de garder leurs locataires, aide à la réhabilitation pour les privés à travers des prêts destinés aux propriétaires occupants et enfin, restauration et reconversion de nombre d’édifices historiques significatifs, anciennement oukalisés.
Durant sept ans (1991-1997), la Municipalité de Tunis a réussi à reloger plus de 2000 ménages évacués d’urgence de 366 immeubles menaçant ruine et ce en trois étapes et sur des terrains lui appartenant. Ces nouveaux logements construits dans des cités périphériques et dans la Médina étaient cédés aux bénéficiaires, appelés à en devenir propriétaires. Cela représente une vraie opportunité pour une population inéligible au système habituel d’accès aux logements sociaux. De locataires, ces ménages devenaient propriétaires d’un logement de 42m² sur une parcelle de 80m² avec possibilité d’extension à l’étage. Ces logements étaient cédés en location-vente, sans intérêts, sur une période de 25 ans (remboursement mensuel d’environ 32 à 40 DT).
La deuxième composante importante de ce projet concernait la réhabilitation des 404 immeubles identifiés et jugés récupérables moyennant des interventions de consolidation et de remise en état de leurs structures. Cette opération importante devait intéresser environ 1600 ménages et permettre de sauvegarder 180 000m² de planchers d’habitation. En plus de cette dimension technique, la Municipalité a entamé de grandes opérations d’encadrement socioculturel.
Résultats observés
L’initiative a bénéficié de la satisfaction totale de la population. De plus, on a constaté :
- Une meilleure cohabitation et plus d’identification aux traditions, à l’histoire et aux spécificités de la vieille ville;
- Un style architectural ancien remis en valeur et plus apprécié;
- L’acquisition d’une expertise considérable par les techniciens de la Municipalité à l’occasion de la réalisation de ce projet;
- La création d’une dynamique culturelle et économique dans la Médina;
- Un plus grand rayonnement de la Ville sur le plan national et international.