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Entrevue: Talla Sylla, Maire de Thiès - Sénégal

15 août 2016
À l’occasion de son passage à Montréal, lors du lancement de l’Observatoire international des maires sur le Vivre ensemble, nous avons rencontré M. Talla Sylla, maire de Thiès. Il nous a parlé de sa vision du Vivre ensemble et des raisons pour lesquelles la protection et le développement des enfants sont au cœur des priorités de sa ville.
Par Esteban Benavides
 

Quels sont, d’après-vous, les principaux défis de Thiès en matière de « Vivre ensemble »?

Parler de Vivre ensemble, c’est parler d’inclusion. Nous avons constaté que, dans le cas de nos villes et dans notre pays, il y a beaucoup d’enfants qui sont exclus. Ce sont des enfants qui n’ont que le ciel comme toit, ils n’ont que le sable comme lit, ils dorment à la belle étoile et subissent souvent beaucoup de sévices. Ils sont exclus des maisons, exclus des écoles, exclus du système de santé et, je dirais même, exclus de leur propre enfance. (NDLR : entre 30,000 et 40,000 enfants vivent, de manière sporadique ou permanente, dans les rues de Thiès).

Ceci est inacceptable. Je pense qu’aucune société ne peut espérer aller de l’avant, se consolider et se renforcer dans le cadre du Vivre ensemble si elle ne prend pas en charge une telle problématique. C’est un fléau qui doit interpeller tout le monde, toutes nos institutions et toute la communauté internationale et qui doit être traité de la manière la plus rapide, responsable et la plus sérieuse possible.

C’est la raison pour laquelle, à Thiès, j’ai placé mon mandat sous le signe de la protection de l’enfance. À Thiès, avec le Conseil de Ville, les responsables des services administratifs, et en collaboration avec l’ensemble des structures de la société civile qui intervient dans le domaine, nous sommes engagés à éradiquer ce phénomène. Nous travaillons à y parvenir d’ici 2020.

Quelles actions spécifiques avez-vous mis sur pied pour aborder cette problématique?

Nous avons travaillé sur un projet concret que nous appelons « Keur Xaleyi », c'est-à-dire la « maison des enfants ». Cette maison permettra d’abord d’accueillir les enfants, de les prendre en charge, de les éduquer et de les protéger. En parallèle à la construction de ce centre d’accueil, nous allons développer aussi des stratégies qui vont permettre de renouer le lien de ces enfants, soit avec leurs familles d’origine ou avec une famille d’accueil.

Dans un premier temps, nous pourrons accueillir les enfants dans cette « maison », où il y aura une équipe chargée de leur santé. Une équipe spéciale mènera les enquêtes nécessaires pour savoir d’où viennent ces enfants, pourquoi ils vivent dans les rues, comment prévenir et comment les ramener à la maison, comment appuyer les familles, etc.. Pour cela nous devons agir sur les causes avant que le problème ne se manifeste.

Si nous ne parvenons pas à trouver la famille, nous allons travailler avec ces équipes à trouver une famille d’accueil capable de prendre en charge l’enfant. Nous, avec les partenaires que nous allons trouver, nous pourrons aider ces familles d’accueil, comme dans le cas du système qui existe aux États-Unis et au Canada (NDLR: «Foster Families»).

En tant que Maire de Thiès, quel serait votre message concernant ce phénomène?

Aujourd’hui, dans le contexte d’insécurité qui règne, personne n’a intérêt à ce que ce phénomène se propage. C’est une situation d’insécurité pour les enfants, mais aussi pour les sociétés. Nous sommes intéressés par la protection et la préservation des droits de l’enfance. Nous pensons que tout le monde est interpellé et que tout le monde devrait mettre la main à la pâte. Nous lançons un appel à l’ensemble des populations du Canada et aux responsables institutionnels de la communauté internationale, à nos propres autorités déjà interpellées pour que dans notre ville, dans notre pays, dans le monde, le phénomène des enfants dans les rues puisse être pris en charge.