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ADS+ comme outil pour la sécurité des femmes

Outils
L' « ADS+ » vise à prendre en compte les réalités différentes de la population dans la mise en place d’initiatives municipales et notamment en vue d'améliorer la sécurité des femmes.

En 2018, la Ville de Montréal a débuté une démarche pilote d’application de l’analyse différenciée selon les sexes intersectionnelle (ADS+) au sein de ses politiques, services et programmes. Cette approche permet de prendre en compte les multiples besoins et discriminations vécues par la population, de saisir, en amont, les effets d’un projet sur celle-ci et de mettre en oeuvre des solutions optimales génératrices d’équité. 

 

L’ADS+ discerne de façon préventive les effets distincts de l’adoption d’une politique, d’un programme, d’un service sur les femmes et les hommes tout en prenant en compte d’autres discriminations fondées sur la classe sociale, la situation de handicap, l’âge, l’origine ethnique, l’orientation sexuelle, l’identité de genre, etc.

Permettant de poser un regard différencié sur les réalités urbaines, l’introduction de cette pratique structurante est à privilégier pour aménager une ville inclusive qui prend en compte les expériences quotidiennes des femmes dans l’espace public, notamment, celles liées au sentiment de sécurité et aux violences à caractère sexuel.

En 2019, la Ville de Montréal a adhéré au programme Villes sûres, espaces publics sûrs d’ONU Femmes. Elle réitérait ainsi son engagement à assurer la sécurité des femmes et des filles dans les espaces publics montréalais et à travailler de concert avec les services corporatifs, les arrondissements et ses partenaires institutionnels et communautaires pour atteindre cet objectif.

Contexte

Depuis deux ans, la Ville de Montréal travaille à implanter une pratique d’analyse différenciée selon les sexes intersectionnelle dans la planification de ses services, programmes et politiques municipales. La démarche se traduit en projets-pilotes impliquant la participation de deux arrondissements et de cinq services administratifs : le Service de la gestion et de la planification immobilière, le Service de l’urbanisme et de la mobilité, le Service des grands parcs, du Mont-Royal et des sports, le Service de l’habitation et le Service de la diversité et de l’inclusion sociale.

Exemples de projets-pilotes montréalais en ADS+:

  • Mise sur pied d’une unité hivernale de débordement pour offrir de l’hébergement d’urgence aux personnes en situation d’itinérance avec un étage séparé et sécurisé pour les femmes
  • Aménagement de la Place des Montréalaises : une place publique située entre le Vieux-Montréal et le Centre-Ville et ayant comme thème central la commémoration des Montréalaises
  • Intégration de mécanismes de consultation inclusifs dans la planification urbaine d’un nouveau parc, nommé le Grand parc de l’Ouest
  • Aménagement de vestiaires universels et sécuritaires au sein d’un projet de complexe aquatique, le Complexe aquatique Rosemont

La façon dont sont aménagées les villes n’est pas neutre et elle peut créer des inégalités sociales. Appliquée au sein des processus de planification urbaine, l’ADS+ promet de penser des espaces publics inclusifs et sécuritaires, imaginés à partir des besoins particuliers des femmes et de corriger ainsi certaines inégalités. Rappelons que l’expérience des violences à caractère sexuel dans l’espace public, notamment le harcèlement de rue, est un enjeu quotidien et qu’elle est susceptible de générer un sentiment d’insécurité restreignant les femmes dans leur droit à circuler librement dans la ville et à bénéficier de toutes les opportunités.

En matière de prévention des violences à caractère sexuel, l’ADS+ amène à revoir les programmes dans une perspective intersectionnelle et à soutenir des initiatives qui portent une attention particulière aux vécus des femmes marginalisées : les femmes autochtones, les femmes en situation de handicap, les femmes de la diversité sexuelle, les femmes racisées, les femmes en situation d’itinérance rappelant ainsi le principe « Leave No One Behind » de l’Agenda 2030.

C’est d’ailleurs dans cet esprit que la Ville de Montréal et ses partenaires institutionnels et communautaires ont récemment créé un « safe space » au sein de l’unité hivernale de débordement soit, un étage non-mixte pouvant accueillir cinquante femmes en situation d’itinérance. À cette mesure de sécurité, s’ajoutent des déplacements intérieurs non-mixtes et l’obligation que l’intervenant.e de nuit soit une femme.

La sensibilité à mettre en oeuvre des outils de « planification urbaine genrée » n’est pas nouvelle pour Montréal. Au début des années 2000, à travers son programme Femmes et Ville, la Ville de Montréal avait élaboré six principes d’aménagement urbain sécuritaire pour les femmes à travers le Guide d’aménagement - Pour un environnement urbain sécuritaire. Ce guide devait sa particularité au fait que les principes provenaient d’une approche basée sur l’expertise des femmes et il rappelait qu’une ville aménagée à partir de leur sentiment de sécurité est une ville sécuritaire pour toutes et tous.


La démarche pilote en ADS+ est en train d’instaurer de nouvelles façons de faire au sein de l’appareil municipal. Les réflexes ADS+ permettront au final d’avoir une vision plus éclairée et juste des expériences et réalités de toute la population, notamment des femmes, et de mettre en oeuvre des interventions municipales mieux adaptées qui répondent adéquatement aux besoins spécifiques de sa population diversifiée.

Mise en oeuvre

Pour que le personnel adhère à cet outil et qu’il développe le réflexe ADS+, toute une stratégie de sensibilisation et de formation a été déployée au cours de la dernière année. Les premières réalisations consistent en l’élaboration d’outils concrets de sensibilisation, le déploiement d’une formation générale, la formation d’agentes et agents multiplicateurs et l’offre d’un accompagnement en ADS+. Elles sont détaillées ci-dessous.

Des outils concrets pour sensibiliser

La première étape pour implanter l’ADS+ et en assurer le succès a été la mobilisation du personnel municipal. Une série d’outils de sensibilisation sur l’ADS+ a été élaborée et diffusée au cours de la première année. Parmi ceux-ci notons une courte vidéo8 vulgarisant l’approche et expliquant les bénéfices d’examiner les effets différenciés d’un projet urbain sur les groupes pouvant faire l’objet d’exclusion. Diffusée largement au personnel et aux partenaires, cette vidéo les a sensibilisés à l’importance de développer des projets plus inclusifs à l’image de la population montréalaise.

Un guide d’application de l’ADS+, un aide-mémoire et une trousse de déploiement ont aussi été mis à la disposition du personnel pour appliquer systématiquement cette analyse dans l’élaboration, la mise en oeuvre ou l’évaluation de leurs projets. Les étapes d’application de l’ADS+ y sont décrites et des questions pour développer le réflexe ADS+ y sont proposées.

Exemples de questions simples pour guider son analyse:

  • Avez-vous consulté des personnes visées par votre projet ? (femmes, hommes, personnes aînées, personnes non-binaires, autochtones, personnes issues de l'immigration, personnes racisées, personnes ayant des limitations fonctionnelles, physiques ou intellectuelles, personnes à faible revenu)
  • Avez-vous consulté des groupes ou des personnes ayant une expertise sur les enjeux que nous souhaitons aborder ?

En quoi le projet tient-il compte des expériences spécifiques :

  • Des femmes et des hommes ?
  • Des personnes non-binaires ?
  • Des personnes issues d’autres groupes subissant des discriminations ? (autochtones, personnes aînées, personnes issues de l'immigration, personnes racisées, personnes ayant des limitations fonctionnelles, physiques ou intellectuelles, personnes à faible revenu)
  • Quelles mesures s'adressent spécifiquement aux femmes notamment à celles issues d’autres groupes subissant des discriminations ?

Le déploiement d’une formation et d’agent.e.s multiplicateurs
Le guide et les outils sont aussi accompagnés d’une formation d’une journée. Ce sont les professionnel.les, les gestionnaires et les élu.es engagé.es dans les projets-pilotes qui ont été formés.es dans un premier temps. L’intérêt suscité par cette approche a fait en sorte que la formation s’est déployée au-delà du projet-pilote. À ce jour, on dénombre plus de 300 personnes formées. Au sein des projets-pilotes, des professionnel.les ont reçu une journée supplémentaire de formation leur permettant de jouer le rôle d’agente et d’agents multiplicateurs. Ces personnes sont porteuses de l’approche et veillent à accompagner leurs collègues en les référant vers les outils disponibles ou en leur offrant de l’aide pour appliquer une analyse différenciée selon les sexes dans une perspective intersectionnelle à leur projet.

L’accompagnement de projets
Mentionnons aussi que dans le cadre de cette démarche, la Ville a bénéficié de l’accompagnement d’un organisme expert, Relais-Femmes, qui l’a soutenue dans la formation et la création d’outils. Grâce à son soutien, le Service de la diversité et de l’inclusion sociale a été en mesure de jouer son rôle central d’accompagnement. Relais-Femmes a fourni l’expertise pour soutenir les autres services et arrondissements dans ce changement de pratiques. Plus précisément, l’accompagnement a pris la forme suivante : aide pour formuler les bonnes questions d’analyse, collecter des données genrées, mettre en oeuvre des processus de consultation inclusifs, etc.

Leçons apprises

Cette démarche d’expérimentation au sein des interventions municipales et l’engouement qu’elle suscite est prometteuse pour la suite. Le fait que le Service de l’urbanisme et de la mobilité soit partie prenante du pilote l’est également : l’implantation de l’ADS+ à même la planification de projets urbains devient un levier pour aménager des espaces publics plus inclusifs et questionner les enjeux reliés au sentiment de sécurité et de violences à caractère sexuel qui sont au coeur d’une d’analyse différenciée selon les sexes intersectionnelle de l’espace urbain.

Si cette première année de déploiement de l’ADS+ a permis d’apprendre que l’accompagnement et le développement d’outils systématisant la pratique sont des conditions de réussite essentielles, la volonté politique et l’ouverture du personnel à innover et à faire autrement sont tout aussi importantes pour intégrer cette approche à l’ensemble des projets et services municipaux.

Porteur de projet

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Service de la diversité et de l'inclusion sociale (SDIS)
Marianne Carle-Marsan, Conseillère en développement communautaire